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A propos de
bastide
Villebrumier est une bastide royale
crée en 1263 sous le nom de "Bastida de Villabermier"
par Alphonse de Poitiers qui régna sur le Comté. de
Toulouse de 1249 à 1271. Il était le frère du Roi
Louis IX (dit Saint Louis) et le gendre du comte
Raymond VII de Toulouse pour avoir épousé sa fille
Jeanne. Ce mariage faisait suite au traité de Paris
en 1229 qui sanctionnait la défaite de Raymond VII
et impliquait sa soumission au Roi de France, car
jusque là, les comtes de Toulouse se montraient les
vassaux les plus indépendants du royaume.
Mais qu'est-ce au
juste "une bastide" ?
Au XIIIème siècle, ce mot désignait dans
un acte officiel une agglomération nouvellement créée.
Il était synonyme de "centre de peuplement" qui faisait
suite dans le processus de création urbaine aux sauvetés
(en occitan : salvetat cf. La Salvetat-Belmontet) et
castelnaux (c'est à dire villages neufs cf. de nombreux
noms de communes) des siècles précédents.
La construction des bastides s'étend
dans tout le Sud-Ouest, de l'Océan au Rouergue, de
l'Auvergne aux Pyrénées. Sur près de 150 ans, entre la
fin de la guerre des Albigeois ,en 1229, et le début de
la Guerre de Cent ans en 1350 ,avec une apogée dans les
années 1280/90, plusieurs centaines d'agglomérations de
ce type verront le jour.
Quelques aspects de ces agglomérations
peuvent être dégagés :
- la création intervenait sur terrain vierge (
dit "a novo") ;
- l'acte de fondation était scellé dans un
contrat appelé "paréage" (c'est à dire en
commun, à parité) et passé par le souverain,
représenté par son sénéchal (officier royal) et
le propriétaire du terrain (le seigneur local le
plus souvent). Cet acte prévoyait que les droits
et les revenus soient partagés pour moitié entre
le fondateur et le propriétaire ;
- une charte de coutumes fixait les rapports
entre l'autorité fondatrice et les habitants qui
désignaient leurs représentants (les Consuls)
pour gérer les affaires. Ces personnages sont
choisis parmi les notables qui paient le plus
d'impôts. Ils sont chargés de répartir la taille
(impôt direct) et disposent d'un pouvoir de
police. (Entre-Nous a publié la charte de
Villebrumier accordée en 1268 par le seigneur
Pierre de Loubaresses et confirmée en 1576 son
successeur Mariet Du Bosquet) ;
- le plan architectural présentait un
urbanisme régulier et géométrique qui traduisait
le double souci des fondateurs:organiser et
gérer l'espace d'une part et se montrer
égalitaire d'autre part. Schématiquement, trois
types de parcelles étaient répartis en zones
concentriques.
L'organisation de l'espace
Au centre, le périmètre réservé aux
habitations , présentait des lots de 100 à 300
mètres-carrés et était délimité par une enceinte.(intra
muros). Le quadrillage des rues ménageait, au milieu du
village, une place bordée d'arcades (appelées aussi
couverts ou cornières) et parfois munie d'une halle.
Désormais, les constructions ne sont
plus orientées en fonction du château ou de l'église,
mais s'articulent en priorité autour de la place et de
la rue longitudinale. Parfois, l'arrière des maisons est
desservi par une ruelle étroite (cette configuration
existait il n'y a pas si longtemps dans notre village,
entre les demeures des rues Haute et Gambetta). Les rues
étaient droites et hiérarchisées en fonction de la
nature de l'utilisation : charretière (carrièra) ou
piétonne (carrièron) .Des égouts souterrains pouvaient
exister : c'est la cas à Villebrumier, mais datent-ils
de si longtemps ?
Notre agglomération ne présente pas de
place centrale; celle dite de la Mairie était "une
grande promenade" selon un texte de 1793. Des écoles et
des hôpitaux gérés par des ordres religieux,
fonctionnaient : n'existe-t-il pas dans notre bourg une
"Rue de l'Hôpital" ? De nombreux puits, parfois
mitoyens, étaient creusés ; certains se trouvaient à
l'intérieur de l'habitation; il en subsiste plusieurs
dans le village même si quelques-uns ont été comblés.
L'église était un bâtiment
multifonctionnel, à la fois lieu d'assemblées et lieu de
refuge. Le cimetière, dont l'implantation était source
de difficultés, lui était attenant.
Tout autour, se répartissaient les
jardins (juxta muros) d'une étendue d'un quart d'arpent
chacun, soit 600 ou 700 mètres-carrés ; ils servaient de
potagers et de poulaillers.
En troisième lieu, on trouvait les
terres arables où chaque champ mesurait un arpent, soit
environ un quart d'hectare ; elles étaient destinées aux
cultures et aux vignes.
Enfin une dernière catégorie de terrains
étaient la propriété indivise de la communauté. Appelés
"padouencs" ou "communaux" (cf.
le Communalet), ils étaient réservés au pacage et
leur existence, comme celle de beaucoup de bois
communaux, pouvait être vitale pour les habitants les
plus défavorisés.
Chaque nouvel habitant, moyennant une
redevance annuelle, recevait la concession d'un
emplacement de maison et d'un jardin.
Ainsi, à y regarder de près,
Villebrumier présente de nombreux aspects d'une bastide,
même si manquent les arcades et la place centrale, mais
elles apparaissent rarement au nord de Toulouse.
Peut-être faut-il attribuer cette anomalie au fait que
entre la fin du 10 éme siècle et le milieu du 14 éme, se
sont superposés deux types d' agglomérations : le
castelnau (château neuf) et la bastide. La frontière est
parfois difficile pour définir l'un et l'autre. Par
ailleurs, la destruction complète du village en 1622,
lors des guerres de religions, puis sa reconstruction,
ont modifié assurément l'aspect architectural initial.
Enquête de Guy
(notamment d'après le magnifique ouvrage
"Bastides, villes nouvelles du Moyen Age"
aux éditions Milan)
N. B : Avant publication, je me
suis permis de soumettre mon texte à Guy Astoul qui est
historien et autrement compétent que moi en la matière.
Il m'indique :
"Tu t'es attaqué à un des problèmes les plus
controversés de l'histoire méridionale : celui des
bastides !
Ton article est intéressant, et quoique je ne sois pas
le plus compétent pour en juger, j'ai fait quelques
remarques sur les points les plus discutables. (J'en ai
tenu compte ! , GJ)
Je joins une note que j'avais faite pour préparer un
cours. Ce que tu écris ne la contredit pas, sauf sur les
aspects architecturaux" :
Bastide : autre propos
Le terme de bastide recouvre des
réalités très variées qui ne peuvent permettre une
définition unique et précise. "Il n'y eut pas de
fondation-type, mais autan de cas particuliers que de
bastides selon la présence ou la proximité d'un
peuplement ancien". reconnaît Odon de Saint-Blanquat,
jadis Archiviste des Archives départementales de
Haute-Garonne, dans "Qu'est-ce qu'une bastide ?",
Cahiers de Centre d'Etudes des Bastides du Sud-Ouest,
n°1, 1992, p.5. La bastide est aussi bien un
regroupement d'habitants dispersés qu'un attribution de
statut à un village déjà en plein essor, la
réorganisation plus ou moins totale, sur une nouvelle
base juridique et parfois urbanistique, de centres
anciens (castra, castelnaux, sauvetés), ou même leur
extension en créant un quartier nouveau, comme à
Auvillar ou à Verdun-sur-Garonne, voire en agrandissant,
de façon substantielle, l'espace urbain préexistant
comment à Montpezat-de-Quercy.
Dans tous les cas d'un projet de bastide, on trouve, à
son initiative, la volonté de regrouper, d'attirer et de
fixer une population, quelle qu'en soit la raison, sous
la forme d'un statut juridique avantageux, avalisé
immédiatement ou postérieurement par des franchises et
des coutumes. En, réalité, le terme "bastide" n'est pas
bien défini lorsqu'il est utilisé au XIIIème siècle.
S'il désigne, à l'origine, un lieu fortifié, il est
ensuite fait allusion aux bastidas seu villas novas,
bastides ou villes neuves, bastidas seu populationes,
bastides ou communautés, et l'on peut ainsi qualifier de
bastide toute fondation, extension ou attribution de
statut, chronologiquement située entre 1222 et 1350-70.
Odon de Saint-Blanquat se montre plus restrictif : "Nous
disons qu'une ville est une bastide quand les textes
relatifs à sa fondation la qualifient ainsi" dans La
fondation des bastides royales dans la sénéchaussée de
Toulouse aux XIIIème et XIVème siècles, CRDP Toulouse,
1985, p.7. Mais ces textes ne sont pas toujours
conservés, et ceux qui le sont ne contiennent pas
forcément le mot attendu, qui peut apparaître un peu
plus tard dans un autre document, si bien que ces
restrictions ne semblent pas justifiées. Même
l'association de deux paréagers qui concluent un contrat
n'est pas non plus un élément déterminant, car de
nombreuses fondations sont dues à un seul grand seigneur
agissant de son propre chef, ce qui fut le cas pour
Raymond VII, comte de Toulouse, ou pour les abbés de
Moissac, de Granselve ou de Belleperche.
Les travaux récents du Centre d'Etudes
des Bastides de Villefranche-de-Rouergue considèrent que
le phénomène est tellement diversifié et complexe qu'il
ne saurait être établi de définition tranchée, intégrant
par exemple les paramètres habituellement retenus :
fondation ex nihilo, paréage, coutumes, tracé
géométrique souvent orthogonal du site. La bastide doit
être perçue, selon les cas, soit comme l'entreprise d'un
accroissement ou d'une stabilisation de population,
pouvant prendre diverses formes matérielles et surtout
juridique, soit comme l'expression de choix politiques
nés des désirs d'un seigneur, du pouvoir royal, ou même
d'une communauté villageoise. Il ne convient pas de
considérer le mot "bastide" comme le terme générique
d'un cadre strictement défini, caractérisé par des
constantes incontournables, mais comme l'expression
multiforme d'un phénomène étalé sur toute la période de
paix des XIIIème et XIVème siècles.
Dans la région toulousaine, c'est
Alphonse de Poitiers qui met à l'honneur le contrat de
paréage, signé à parité, au nom du roi, avec le seigneur
du lieu, et il a contribué à créer de nombreuses
bastides qui se trouvent au nord de Toulouse... Comme
Villebrumier !
Texte établi d'après la note n° 72
du chapitre 6 du livre
"L'abbaye cistercienne Notre Dame de Belleperche en
Lomagne"
par Jean-Michel Garric.
Guy Astoul