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  Le tracé orthogonal
et
la propriété des cornières".
 
  
L'une des caractéristiques des bastides, d'une façon générale et plus particulièrement à Monflanquin, est l'existence d'une place des arcades. Pour étudier le problème posé, partout, nous prendrons donc comme exemple la dite place de Monflanquin.
 
Les cornières de cette place sont intimement liées à l'espace central de la bastide dont le plan classique, orthogonal, fait en sorte que les quatre rues principales y débouchent non par le milieu mais aux quatre angles, de façon à ne pas gêner marchés et foires qui se tiennent là.
 
Au centre de la dite place  - quadrilatère de 55m sur 55 où les six façades construites font 47m50. sur 47,m50 - se trouvait le puits municipal et la halle dont le premier et unique étage constituait la maison commune où se réunissait  jurade .
 
Autour de cette même place s'alignent des maisons à portiques couverts formant avant-boutique, appelés aujourd'hui, selon les régions, de noms variés : auvents, cornières, couverts et qu'on désignait autrefois plutôt sous le nom de couvertes, embans ou garlandes.
 
Les cornières sont soutenues tantôt par de larges piliers de pierres, comme à Monflanquin, tantôt par d'énormes poutres de bois. Ces cornières communiquent avec la place soit par des arcades, de pierres ou de briques, soit par des ouvertures en formes de portiques constituées par des jambages ou des linteaux de bois. Arcades ou portiques supportent soit des  voûtes, soit simplement des solives qui forment l'assise de l'étage.
 
Curie Simbres constate que l'aménagement de l'ensemble lui donne de grandes ressemblances avec les cloîtres des  monastères ou avec l'atrium des grandes maisons romaines.
 
D'une manière générale, l' objectif de ce dispositif   a été de proposer un passage pour tous les piétons, un lieu de rendez-vous, une promenade tranquille à l'abri des mulets et disponible pour les marchands les jours de pluie et de mauvais temps. Il faut donc apprécier les cornières en tant qu' élément constitutif des préoccupations des urbanistes du XIII° siècle alliant construction, circulation, commerce, pouvoir et art de vivre.
 
Mais ce lieu de passage publique est en même temps, sur le seul plan architectural, comme l'écrit Lavedan, "simplement l'évidement et l'ouverture des rez de chaussée des habitations auxquelles on n'a laissé que leurs organes de soutien."
 
Cette double lecture possible, à savoir lieu de passage publique ou au contraire évidement d'une maison privée, ramène au problème juridique classique dans les bastides :
 
Où commence la place ? à la façade du rez de chaussée des maisons ou  bien aux piliers soutenant les avancées de ces maisons ?                               
 
- Autrement dit : à qui appartient le sol des cornières ?
 
La logique du théorème de Pythagore, théorème utilisé par les "traceurs" de la bastide, offre une première piste intéressante à suivre pour tenter de retrouver la perception qu'avaient les fondateurs de ces parcelles lorsqu'ils les dessinaient. Englobaient ils alors les cornières dans les rectangles réservés aux maisons ou au contraire dans le carré de la place ?
 
 Une seconde piste mérite attention : la charte des coutumes accordée en 1256 et où se trouvent les prescriptions qui vont gérer la communauté monflanquinoise pendant tout l'Ancien Régime. Les différentes taxes, qui y sont énoncées, permettent-elles de définir le statut des terrains cadastrés ?   Une fois appréhendé ce tableau des cornières à leur origine, encore est il nécessaire de prendre en considération les évolutions possibles d'abord sous l'Ancien Régime et surtout après la Révolution.  
 
Ce tour d'horizon d'ensemble devrait permettre de comprendre les réponses avancées par les responsables successifs de la bastide et surtout les raisons qui fondent ces réponses.
 
   *                              *
      *
 
 1 - Le théorème de Pythagore
                                           
                                     1 - a :  Hypothèse d'une projection  "5 / 12"                            
 
 
En abordant cette étude, la démarche que l'on on est tenté d' adopter, pour répondre à une telle question, est d'observer le cadastre initial en espérant y trouver la réponse apportée par les bâtisseurs de la Bastide eux-mêmes, puisque nous sommes en présence d'une réalisation volontariste.
 
Un premier constat s'impose : les documents n'apportent aucune précision sur les techniques employées par les arpenteurs et les topographes de l'époque pour tracer le parcellaire. Mais de toute évidence le triangle de Pythagore qui permettait d'établir sur le terrain les angles droits à l'aide d'une corde à douze noeuds, fut largement utilisé. De plus, tout se passe comme si la largeur des rues charretières, c'est à dire les rues principales, avait constitué la mesure unitaire des arpenteurs.
 
Un second constat s'impose également : dans cet urbanisme volontariste, fortement structuré, le parcellaire est rigoureusement dessiné en un découpage rectangulaire préétabli par les traceurs. De plus, conformément au projet de société que sous-tend le phénomène des Bastides, ce parcellaire est égalitaire c'est à dire qu'en principe chacun des futurs habitants sera doté d'une parcelle égale aux autres, pour bâtir son habitation "l'ayral".
 
Tout en respectant cette disposition de principe, la surface des parcelles d'habitation est très loin d'être uniforme d'une Bastide à l'autre. Mais la plupart du temps la dimension de base reste celle de la façade dont la largeur évolue dans les limites de six à dix mètres, en raison de la longueur des poutres maîtresses ...
 
A Monflanquin,   six façades-types se partagent  les 47m50 que l'on trouve de chaque côté de la place. Ce qui donne 7m90 pour chacune des façades sur les cornières Ouest et Est et seulement 7m50 sur les cornières Nord et Sud (en raison d'un carrerot médian de 2m). Le plan initial de la maison est imposé par le parcellaire. La façade est très logiquement sur la place tandis qu'un carrerot dessert l'arrière. Donc la maison sera étroite et en longueur, dotée d' une cour sur l'arrière, vite récupérée par le bâti en raison de la pression démographique; en effet un document de 1289 nous apprend l'existence de six cent vingt personnes intra-muros, moins d'une génération après la fondation.
 
Riche de ces informations une hypothèse, prenant en compte le théorème de Pythagore, mériterait d'être systématiquement étudiée.. On sait en effet que l'une des  particularités de ce théorème, utilisé par les arpenteurs pour établir le cadastre, est qu'il existe des triplets de nombres entiers qui en facilitent l'usage, tels que 5-12-13 en particulier....
 
Si l'on s'en tient à ce dernier triplet la projection deviendrait à Monflanquin :
  
  1,58 x   5 =    7m90   c'est à dire la façade.
  1,58 x 12 =  18m96   c'est à dire la profondeur de la maison.   
 
18m96 ... qui  correspondent à peu de choses près aux dimensions des  maisons construites sur la place, depuis leur façade du rez de chaussée jusqu'à l'arrière.
 
Cette hypothèse, qui s'inscrit dans la logique du théorème de Pythagore, nous amène à la conclusion que les concepteurs auraient exclu les cornières de la surface réservée à la propriété privée puisque  les surfaces rectangulaires prévues pour les maisons sont calculées à partir des façades du rez de chaussée.
 
Par voie de conséquence, dans cette première hypothèse - dite "hypothèse 5/12" , les cornières seraient postérieures à la  construction des premières maisons du XIII° siècle.
 
Cependant, cette hypothèse, qui mérite attention, se heurte à Monflanquin au fait que  la mesure de base utilisée, la canne, représente 1m94 à Paris, 1m79 à Toulouse et environ 2m à Monflanquin (selon les études de M. Leblond) ... mais pas 1m58.
Ce qui rend inopérant ici le triplet 5 - 12 - 13 du théorème de Pythagore..        
 
Aussi faut il se tourner vers le texte des Coutumes de Monflanquin qui ouvre une perspective différente.
       
                                                                               
                                   1 - b :  Hypothèse d'une projection  4 / 12                                                      
      
En effet les coutumes de Monflanquin, accordées en Juin 1256, et largement reprises par les bastides du Haut Agenais qui suivirent, précisent clairement la condition juridique des terrains attribués aux habitants :
 
Article 10 : "de quelque sol que ce soit, de 4 cannes ou aunes de large et de 12 de longueur,  nous aurons six deniers d'oublies seulement, payables en plus et en moins à la fête de Ste Foy (6 octobre), autant d'acapte à chaque changement de seigneur  et  en cas de vente nous aurons de l'acheteur comme droit de vente la douzième partie du prix d'achat. Et si les oublies susdites ne sont pas payées au terme fixé, cinq sol seront versé comme amende et pour l'oublie susdite".
 
La charge financière imposée aux habitants s'appuie donc sur l'équation  4 - 12 (4  pour la largeur et 12 pour la longueur) et non pas 5 - 12. Si l'on refait une projection à partir des données de ce texte on obtient un gabarit moyen de :
                                          
1,975 x   4 =   7,90  pour la façade
1,975 x 12 = 23,70  pour la profondeur de la maison
 
La longueur de la canne, dans cette hypothèse, se rapproche sensiblement des 2m   que les calculs de M. Leblond accordent celle de  Monflanquin et peut conforter le choix de cette solution.
 
  Ainsi, pour le problème qui nous occupe, les textes font pencher vers l'hypothèse d'une projection 4 / 12.
 
Il est évident que, dans ce cas, les 23m70  obtenus pour la longueur incorporent les cornières dans la surface privée; au lieu de les laisser au compte de la place publique comme c'était le cas dans l'hypothèse précédente.
 
Avec 4 et 12 cannes,  le domaine privé englobe le sol de la cornière.... Par voie de conséquence, les cornières ont pu être contemporaines des premières maisons; sans que ce soit au demeurant une obligation ni une certitude.
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 2 - De la censive à la propriété privée
                                2 - a :  la Censive.   
 
 Les cornières semblent donc englobées dans le domaine privé dès les débuts de la bastide et à ce titre doivent supporter la charge financière, imposée pour la parcelle attribuée. Ce qui fait  de la dotation seigneuriale une véritable censive avec rentes féodales nettement établies.
 
Or la coutume et les privilèges de Monflanquin furent confirmés dès 1270  par Alphonse de Poitiers. D'autres confirmations des coutumes vont suivre et jalonner l'histoire de Monflanquin : 1284-1289 Edouard I°, roi d'Angleterre, 1320 par Edouard II, 1328 par Philippe VI de Valois, 1511 par Louis XII, 1516 par François I°, 1565 par Charles IX, 1604 par Henri IV ....  C'est à dire pendant tout l'Ancien régime, jusqu'à la Révolution.     
 
 Confirmations qui, entre autres, ont perpétué le droit régissant  le sol des cornières, c'est à dire confirmations que le terrain est redevable, pendant tout l'Ancien Régime, de la taxe et de la redevance féodale imposées sur "le sol quelqu'il soit".      
 
Ce droit qui est implicitement reconnu dans la plupart des bastides devient même explicite sous la plume de rédacteurs de certaines chartes, comme celles de Monségur en 1267 et de Sauveterre en 1281 .... Donc postérieurement à la charte de Monflanquin. Comme si l'on voulait, le temps aidant, préciser ce qui semblait aller de soi dès le départ ... Un article en effet, inséré par les soins des  rédacteurs des chartes concernées, élucide complètement cette question du droit de propriété. Après avoir énuméré le montant des redevances annuelles dues pour chaque maison, droits de mutation, l'article en question stipule "nous voulons que les auvents, les avancées et les gouttières des maisons, les fenêtres et les avant-fenêtres qui sont sur le marché, appartiennent aux bourgeois du lieu, à charge de payer les redevances susdites !"            
 
En d'autres termes, écrit M. Brutails ancien archiviste de la Gironde, "Les bourgeois tiennent les galeries surplombées par leurs maisons respectives à titre de censive et moyennant le paiement des redevances qui sont payées pour les maisons elles-mêmes". 
    
Redevances que les bourgeois  paieront, au cours des âges à Monflanquin, successivement au comte de Toulouse, au duc de Guyenne et roi d'Angleterre, au roi de France, au Chapitre de Latran à Rome, et plus tard au duc d'Aiguillon engagiste de l'Agenais pour le roi. Redevances qui font que la condition juridique du sol des cornières a été celles des maisons adjacentes. 
 
"Que les cornières soient libres pour les bourgeois à qui sont les maisons" Cette formule relevée par Curie Simbres devient, au cours des siècles, une formule juridique qui se généralise partout.
 
                              2 - b :  la Propriété Privée.                                                                  
 
Donc, dés l'origine, les cornières ont été considérées au même titre que les maisons comme des censives, des tenures perpétuelles. Or, dans le droit ancien, la censive superposait deux niveaux :- le domaine utile qui était aux mains du tenancier
- le domaine direct qui était propriété du seigneur
 
L'habitant, devenu tenancier, n'a pas rompu tout lien avec le seigneur concédant mais reste lié à celui-ci par un véritable contrat, une sorte de bail de très longue durée. Certaines reconnaissances féodales emploient d'ailleurs le terme d' "emphytéose" pour définir le lien de dépendance qui unit une bastide, et ses habitants, à son fondateur.
       
C'est dire que la situation de l'habitant ou tenancier n'est pas celle d'un propriétaire au sens où nous l'entendons de nos jours. Il est possesseur usufruitier mais pas propriétaire; la propriété "le dominium" reste au seigneur concédant. L'habitant usufruitier est détenteur du domaine utile mais pas du domaine direct.
 
Or, progressivement, dans le temps, le domaine direct qui représente le domaine éminent n'a pas cessé de s'affaiblir tandis que le domaine utile, celui qui est attaché à la tenure, s'est fortifié en quelque sorte de tout ce que perdait le précédent.
 
 L'évolution historique générale confirme ce mouvement entre le domaine utile et le domaine direct:   propriété stricte du "seigneur / bailleur", ce que nous appelons aujourd'hui la propriété légale. Cette dernière  s'est vidée de son contenu au profit de "l'habitant / preneur". Cette modification a renforcé en quelque sorte l'emprise des bourgeois sur le sol des cornières, avant même la Révolution, puisque d'usufruitiers ils sont devenus pratiquement propriétaires, en oblitérant le domaine direct par le  domaine utile.
   
Quand l'intendance de la Généralité de Bordeaux, d'accord avec les consuls et la jurade, a fait effectuer au XVIII° siècle l'arpentement de la ville, les experts-jurés ont naturellement eu à s'occuper des cornières.
 
Le travail qu'ils réalisent à cette occasion sur le terrain est d'une extrême précision : la description des maisons y est faite avec l'indication de leur contenance, rue par rue, immeuble par immeuble. Quand les arpenteurs arrivent à la place centrale ils englobent dans leur état, maisons / sol / cornières, gardant toujours la place publique comme un élément de confrontation. Bien mieux  ils prennent soin de préciser que le propriétaire de la maison possède la cornière.
A titre d'exemple :
     " Monsieur Jean Jacques de Capdeville, maire de la présente ville, qui tient une maison et cornière sur la rue Ste Marie, faisant coin à la rue des Arcades, confrontant du couchant avec la place publique. Contenance 2 ayrials 1/2 Monsieur Jean Jacques de Capdeville, maire de la présente ville, qui tient une maison et cornière sur la rue Ste Marie, faisant coin à la rue des Arcades, confrontant du couchant avec la place publique. Contenance 2 ayrials 1/2 " .....  . " .....  .
 
La question de la propriété des cornières ne se pose, on le voit , ni pour les consuls ni pour le maire ni pour les arpenteurs dont le travail ne donne lieu à aucune protestation : les cornières appartiennent aux propriétaires des maisons.
 
Ce que confirme l'énumération des biens communaux par les mêmes arpenteurs, énumération qui précise : "Plus la halle de la présente ville confrontant, de toutes parts, aux cornières de ladite ville, contenant 9 ayrials 1/2".
 
Mais ce droit de propriété privée sur les cornières n'a-t-il pas été supprimé à un moment ou à l'autre par le droit de place ou même le droit de passage publique?
 
             
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3 - Le droit de place et le droit de passage                      
                                          
                    3 - a : le Droit de Place.
 
Lorsqu'un fondateur de bastide cédait aux futurs riverains de la place centrale l'emplacement des maisons et des cornières, la notion de domaine direct lui permettait, s'il l'avait voulu, d'exercer contrôle et surveillance au service de la servitude imposée sous ces cornières...
 
Le terrain, ainsi statutairement défini, restait cependant théoriquement susceptible d'une appropriation, d'une concession censuelle au profit non selement d'un particulier mais aussi d'une collectivité ... la jurade !
 
Mais pour Monflanquin, comme pour la presque totalité des bastides du Sud Ouest, aucun texte n'en fait mention pendant tout l'Ancien Régime. Il n'existe ici aucun document semblable à la charte concédée en 1327 à Solomiac (Gers) disposant en faveur de la ville du revenu de tables installées sous les couverts. Et encore cette charte porte-t-elle "à l'exception des tables dressées au profit de ceux qui possèdent les couverts et les tables - étalages - , en raison des emplacements à eux inféodés autour de la grande place". En sorte que ce texte, le seul semble-t-il, qui autorise une communauté à percevoir des droits sur les cornières, en exempte précisément les riverains, confirmant par là même les droits de ces derniers.
 
Autre exemple confortant cette logique des droit de propriétaire sur le sol des cornières : Au milieu du XVIII° siècle la halle de Monflanquin menaçant ruine, la jurade parlait d'acheter tout de suite un immeuble pour remplacer le vieil hôtel de ville, et de préférence sur la place... Mais en attendant la décision la question se posait de trouver un emplacement provisoire où transférer les mesures  publiques et les bancs de boucheries. Les consuls, en 1760, pensèrent aux cornières devant la maison de l'abbé de Gondon (cornière du couchant) dont l'autorisation fut par eux sollicitée. Ils reçurent de l'abbé Vigier, en date du 25 Janvier 1760, la réponse suivante : "Je consens, avec bien du   plaisir, que l'on mette les mesures publiques et les boucheries sous le couvert devant ma maison et cela en attendant que vous puissiez prendre quelque autre arrangement".
 
Cette lettre est nette et catégorique. Elle montre  la reconnaissance par les consuls eux-mêmes des droits des propriétaires riverains sur le sol des cornières, puisque pour l'utiliser ils ont besoin de l'assentiment de ces derniers.
 
Pendant tout l'Ancien Régime, aucun document ne prouve ou ne laisse simplement supposer que, à Monflanquin, les propriétaires des cornières aient eu le moindre droit de place à payer, aussi bien au seigneur qu'à la jurade... Ils ont été considérés comme tenant du sol des cornières "librement et paisiblement". Tout concorde :
 
La charte de 1256 ne prévoit, en ses articles 34 et 35, aucune taxe au bénéfice de qui que ce soit pour cette occupation. Les taxes prévues ne frappent  au demeurant que les marchands et vendeurs étrangers. Les habitants de la bastide, que le seigneur veut avantager, en sont exemptés.
 
Les comptes communaux de Monflanquin montrent que les droits de place sont uniquement perçus sous la halle-mairie et non pas sous les cornières.
 
Dans les états des revenus de la ville de 1764 rien. Rien non plus en 1767 ni en 1782 -1786 et encore en 1790... Or ces taxes, si elles avaient été perçues, y figureraient car les instructions fiscales qui accompagnent les états exigeaient formellement ces précisions.
 
Mêmes constatations pour toute la période révolutionnaire de 1790 à 1800 : aucune taxe, aucun droit ne furent perçus pour l'occupation des  sols des cornières.
 
                               3 - b : le Droit de Passage.      3 - b : le Droit de Passage.
 
Il a été précédemment rappeler que lorsqu'un fondateur de bastide cédait aux futurs riverains de la place centrale l'emplacement des maisons et des cornières, la notion de domaine direct lui permettait, s'il l'avait voulu, d'exercer contrôle et surveillance au service de la servitude imposée sous ces cornières... et qu'aucun texte connu ne prouve de telles dispositions prévues par le seigneur.
 
Mais quelle a été l'attitude de la jurade qui avait dans ses attributions, en vertu des articles de la charte, "le pouvoir de réparer les chemins, les voies publiques, les fontaines et les ponts" ... sans que les voies privées ne soient  prévues. Or les cornières tiennent des unes et des autres et  l'histoire municipale ne porte aucune trace de modifications du statut des cornières, comme si la jurade n'avait nullement revendiqué leur propriété et en était restée au statut originel.
 
Tout se passe comme si la jurade et les consuls se sont contentés d'exercer sur les cornières un contrôle, un droit de police, nécessités par la servitude de passage dont le sol était grevé. Quelque chose d'analogue à ce qui se passe dans deux autres bastides : Mézin et Puymirol.
 
A Mézin en 1622-1629, la jurade donnait l'autorisation à un dénommé Pourteau de remplacer par des piliers de pierres les piliers de bois qui soutenaient sa maison " à condition que l'aire délimitée par les arcades reste grevé des servitudes ordinaires". Il est question uniquement de servitudes, nullement de propriété.
 
A Puymirol, en 1772, les consuls font dresser procès-verbal contre un cultivateur qui avait mis son bétail sous les cornières. En 1773, on y jouait tranquillement aux quilles quand vint l'ordre de cesser.
 
Propriété des habitants avec servitude de passage consacrée et consolidée par le temps, voilà comment se présentent les cornières pendant tout l'Ancien Régime.
Au total, il apparaît , pendant tout l'Ancien Régime :
          - que le sol des cornières a été considéré comme propriété privée grevée d'une servitude au profit du public et de la commune;
          - que seuls les piétons y avaient accès;
          - que le droit de propriété n'a jamais été contesté par la jurade et les municipalités;
          - qu'aucun droit de place n'a été exigé des propriétaires riverains.
 
                                                             *                              *
                                                                              *
 
4 - Aprés la Révolution
                       
                            4 - a : Le cadastre de 1816.4 - a : Le cadastre de 1816.
Une loi du 15 Octobre 1807 a prescrit la confection du cadastre et d'une matrice cadastrale. Ce document sera dressé  seulement le 15 Octobre 1816 pour la  commune de Monflanquin; il faut y remarquer que :
 
                                - L'emplacement des cornières est déterminé par une ligne pleine du côté de la place centrale et par une ligne ponctuée du côté opposé de la place.
 
                                - Le sol des cornières est généralement divisé en autant de parties qu'il y a de maisons en arrière, par prolongement des côtés latéraux de ces maisons.
 
                                - Ces parties de sol sont englobées dans la superficie des n° des immeubles bâtis en arrière.                                                                                                                   
 
Tout confirme que les dispositions prises par les concepteurs en 1256,  avec pour base 4 sur 12, étaient encore vraies en 1816 au moment de la confection du plan cadastral.
 
Il est clair que le cadastre de 1816 a laissé la propriété du sol des cornières attaché au sol des maisons construites en arrière.
                                                                                                             
 
                              4 - b : Les arrêtés municipaux.
 
L'arrêté municipal du 5 avril 1884 relatif au nettoiement de la ville de Monflanquin dit que : " Le balayage des cornières est complètement à la charge des propriétaires jusqu'à la façade externe des piliers, le balayage de la place centrale incombe complètement à la commune".
 
Le 21 avril 1892 , pour la première fois semble-t-il, un crédit est voté pour régler les réparations  faîtes aux cornières dans le cadre de l'entretien des promenades publiques.... Disposition financière qui s'en tient à la notion de propriété privée grevée d'une servitude publique à charge, tout ou partie, de la municipalité.
 
                              4 - c : Le droit de Place. 
                              
                Le 1° janvier 1811 la municipalité bouleverse les habitudes et la tradition en établissant un droit de place sur "les places publiques, les porches et les rues où les marchands sont en usage d'étaler leurs marchandises" les jours de foire et de marché. Exception était faite pour les marchands qui étalaient devant et contre leurs maisons, ne saillant pas plus de 1m50 sur la voie publique.... En août 1811 cet étalage des marchands exonérés est ramené à 80 cm.
*La perception de ces nouveaux droits, à la charge surtout des habitants des campagnes, ne se fit pas sans difficultés.. au point que la municipalité en 1815 envisagea  leur suppression... En fait cette décision ne fut jamais prise et en 1864 au contraire ces droits furent définitivement maintenus. Pour être perçus  soit par voie de régie, soit par voie d'adjudication.
 
 Les propriétaires des cornières qui installaient un étalage devant chez eux refusèrent de les payer. C'est cette attitude de refus qui en 1925   amène M. Siraud à déférer au Conseil d'État, pour excès de pouvoirs, une décision de la municipalité autorisant, à la suite d'un arrêt préfectoral, la perception des droits de place sous les cornières considérées comme une propriété communale.... En 1932 le tribunal de Première Instance de Villeneuve sur Lot nomme une mission d'experts pour étudier la question. Leurs conclusions sont :       
 
"Nous pensons de cet ensemble de faits et actes laisse à M. Siraud la propriété de la partie du sol de la cornière Ste Marie, au-dessus de laquelle se trouve construit le premier étage de sa maison.
 
Nous estimons que la création des droits de plaçage à la charge aussi bien des négociants ayant magasins sous les cornières, que des négociants ayant magasins sur les autres rues, ne peut être une atteinte aux droits de propriété de M. Siraud, car elle procède d'une intention purement fiscale et parce que surtout elle a été réduite dans son étendue par la disposition des règlements de 1926 et 1932, comportant l'assentiment du propriétaire de l'immeuble sous les cornières, avant toute installation d'un étalage de commerçant au devant de son immeuble".
 
Conclusions à rapprocher des pratiques des bastides voisines, à la même époque:
 
                               - Castillonnès : Autorisation des propriétaires pour qu'un forain puisse s'installer sous les cornières et gratuité pour le seul étalage des propriétaires.
                               - Villeréal : Gratuité pour l'étalage, limité à un mètre de large, des propriétaires
 
Conclusions à rapprocher, également, de ce qui se fait aujourd'hui à Monflanquin même, où  les cornières sont réservées aux propriétaires ou locataires en même temps que la gratuité du droit de place leur est assurée..
 
*On semble donc, dans le Haut Agenais, s'acheminer vers une pratique très proche d'une bastide à l'autre; particulièrement en ce qui concerne la gratuité. Démarche qui s'inscrit dans la reconnaissance de fait que les cornières appartiennent bien aux propriétaires des maisons.
 
 
                                                               *                              *
                                                                              *
 
 
Au terme de ce coup d'oeil sur l'historique de la situation juridique des cornières de Monflanquin il faut prendre acte des conclusions portées le 10 octobre 1935 par les experts :
 
                               - la cornière est partie intégrante de la maison qui la couvre.
 
                               - Mais cette propriété privée est grevée d'une servitude publique à charge, tout ou partie, de la municipalité.   
 
   La comparaison avec d'autres bastides démontre que,  au-delà des variantes dans les solutions trouvées par les municipalités pour le gérer, ce principe de propriété privée grevée d'une servitude est admis par  tous.
  aujourd'hui s'affirment   donc  :
    - pour l'historien,  la permanence dans le temps du gabarit cadastral 4 x 12 choisi par les concepteurs de la bastide
     - pour le juristece qui ressemble à un mariage de raison qui résiste dans le temps aux tensions. Mais peut être le moment arrivera-t-il où des dispositions seront prises soit officialisant la spécificité de chaque tradition locale soit uniformisant la réponse à l'ensemble des bastides....  A suivre !A suivre !
ODO  GEORGES  
 Conférence à Libourne
Novembre 1996
                                                                                                                                   
                Bibliographie
 - - Bonnat R. Lafont E. Cayre J.    "A qui appartient le sol des cornières à Monflanquin? " -    MJC Monflanquin 1981
 
- Daucet M. "Un problème juridique: la propriété du sol des cornières dans les anciennes  bastides" - Montauban 1940           
 
- Leblond Hervé  "Recherches métrologiques sur des plans de bastides médiévales" - Histoire et Mesures, ENS rue d'Ulm, 1987
- Odo Georges "Monflanquin bastide alphonsine type, du Haut Agenais" - Revue de l'Agenais 1995 / 4
                                                                                                                          
 
ANNEXE
"La corde à 13 noeuds"
dîte aussi 
"la corde à 12 noeuds"
 
Pourquoi l’appelle-t-on «corde à 13 nœuds» ?

La corde à 13 nœuds est une corde comportant 12 intervalles égaux, ce qui fait donc 13 nœuds lorsqu’elle est ouverte. Ou 12 si l'on n'a pas fait de nœuds au début de la corde.
Un intervalle correspond à une coudée.
Donc 12 intervalles = 630, 72 cm.(dans le cas ici choisi, mais variable selon les régions)

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A quoi sert la corde à 13 nœuds ?
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La corde à 13 nœuds sert notamment à reporter au sol les tracés exactes des figures géométriques. Cet outil permet notamment de tracer des angles droits, des triangles isocèles, des droites perpendiculaires… et tout cela sans utiliser d’unités de mesure algébriques. S 

 

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