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*Lecteurs*
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Odo Georges |
Site traduit en : |
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Les Bastides
et
l'hypothèse
d'un "urbanisme
gothique"
Alcide Curie-Seimbres écrit, en
1880, sur les
bastides : ''on croit voir de grands potagers
distribués en carreaux et desservis par des allées droites''. En effet, les
bastides ont pour particularité d'être très ordonnées
orthogonalement. Cela tranche avec les formes romanes des
villes que les contemporains pouvaient observer.
Une hypothèse a été avancée selon
laquelle les urbanistes médiévaux auraient trouvé dans les monastères les
modèles romains et les auraient reproduit. Mais cette
hypothèse se heurte au fait que les monastères n'ont jamais formé d'architectes.
Vitruve ne sera redécouvert et diffusé qu'au XVIe siècle. Mais surtout,
lalogique qui sous-tend le tracé quadrillé des bastides n'est pas du tout la
même que celle des tracés des Romains.
Les urbanistes médiévaux ont innové, ils ont inventé un urbanisme gothique,
comme ils ont inventé une architecture gothique. Son
originalité ne vient pas des progrès techniques, mais d'une réflexion très
achevée sur le thème de la standardisation, sur la modularité.
Villard de Honnecourt, architecte de cathédrales gothiques, a ainsi dans
son cahier de croquis conçu une rosace de 216 éléments réalisables avec
seulement 5 modèles de pierre. On comprend alors qu'un des éléments principaux
de l'architecture gothique soit l'arc brisé. En effet, il facilite la
standardisation des claveaux d'un même arc : il est tracé avec deux courbes
circulaires de même rayon, et de plus on peut tracer à l'aide de la même courbe
des arcs brisés de hauteur et de portée différentes. Cela est impossible avec le
plein cintre. Dans un même bâtiment on peut donc employer toute une série d'arcs
différents mais tracés à l'aide du même rayon.
On pourrait dire que, dans la même démarche,
l'urbaniste, lui, joue avec les ''ayrals'' - c'est à dire les
parcelles - standardisées en les traçant à l'aide de la corde à 12 nœuds (plus
précisément à 13 nœuds et 12 intervalles) en appliquant le théorème de Pythagore.
Le XIII° siècle est celui de la
naissance de la rationalité géométrique. Une autre vision du monde éclot.
L'important n'est plus, comme à l'époque romane de définir et de délimiter les
objets du savoir avec un centre et des bornes. Le monde roman
était clos. Le monde gothique s'ouvre. On s'ouvre vers l'intérieur (on
observe les objets à la loupe) et vers l'extérieur (on observe les objets avec
du recul). Le discours est celui de l'individu et du tout, de l'élément et du
système.
Cette révolution de la vision du monde a aussi des échos dans le monde musical :
le temps est compté, codifié. On le traduit sous la forme de notes carrées qui
s'alignent sur des portées. On étudie les sons et la composition de ceux-ci pour
former des œuvres musicales.
La théologie n'est pas en reste. Elle découvre la philosophie antique. Le plus
bel exemple en est Thomas d'Aquin.
On voit alors que les bastides sont dans l'air du temps. On veut faire du
complexe à partir de choses très simples.
Hypothèse intéressante.
Odo Georges
Conférence "les Bastides" 1993
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