Bastides : l'ensemble de ces villes médiévales par documents, analyses et photos...

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*Lecteurs*
 

 

 

http://www.geographis.ch/~podouphis/martini.htm

 

page créée le 7 novembre 2002
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Attribué à Francesco di Giorgio Martini (1439-1502),
Ville idéale
vers 1470, tempera sur bois, H. 0,60 m ; L. 2 m, Urbino, 
Galerie nationale de la Marche.

        Une ville ou plutôt une partie assez réduite d’une ville. Elle ressemble à de nombreuses villes italiennes. Cependant, il s’agit d’une ville imaginaire. Aucune cité de la péninsule italique ne présente un nombre aussi important de constructions ainsi disposées. Dans cette vue, l’artiste, quel qu’il soit[1], a réuni des bâtiments de style Renaissance pour réaliser son rêve de ville idéale. C'est une ville née ex-nihilo, à laquelle ses architectes auraient donné un style unique, celui de l’époque de sa fondation, sans aucune trace d’un quelconque passé. 
        C'est là le rêve de tout architecte et urbaniste : créer une ville entière, qui proposerait tous les avantages développés dans les théories de l’époque sans n’avoir plus à se soucier des inconvénients de financement, de dérangement des habitants, de préservation du passé, etc. (d’ailleurs, ce rêve, provenant de la Renaissance, a perduré à travers les siècles, jusqu’aux travaux du baron Haussmann dans le Paris du XIXe siècle et au projet iconoclaste du Corbusier, appelé "plan Voisin"[2]).
        Le tableau de Francesco di Giorgio Martini présente donc la vue d’une ville idéale. Soit. Pourtant, c’est là une ville bien étrange, dont aucun habitant ne vient déranger le mathématique arrangement !
        Il est bien évident que l’artiste, qui est certainement aussi architecte, n’a pas figuré d’êtres humains dans sa ville pour ne pas égarer le spectateur dans la contemplation ludique des multiples occupations journalières (à l'instar de Canaletto, au XVIIIe siècle, dans ses Vedute de Venise). Par l’absence de ces êtres humains, la ville n’est pas reléguée au rang de décor mais devient le véritable acteur du tableau.
        La ville, la cité, ce phénomène nouveaux dans la culture européenne de la Renaissance, tient donc ici la place principale. Dans son tableau, l’artiste en fait le portrait, comme il se serait attaché à figurer un être humain. Il s’applique à donner tous les détails caractéristiques des architectures, il distribue des couleurs différentes à chaque bâtiment, il fait ressortir la différence des matériaux et, surtout, il agence strictement les perspectives. Celles-ci, d’ailleurs, sont le véritable prétexte de cette oeuvre. Leurs lois, nouvellement découvertes, sont étudiées et théorisées à cette époque et de nombreux tableaux en sont la mise en pratique.

 

        Pourtant, cette ville est habituellement habitée. De nombreux détails indiquent la présence d’habitants : des volets sont tirés, des portes sont ouvertes, il y a même des plantes à certains balcons. Les habitants sont donc momentanément absents. Mais, au lieu de croire que ceux-ci se sont retranchés chez eux ou qu’ils l’ont désertée tous en même temps, cette absence est plutôt une invitation : elle incite le spectateur à entrer dans la scène. La grande place vide au premier plan, que les deux édicules de part et d’autre permettent de ne pas paraître désagréablement immense, est une claire invitation pour l’oeil à parcourir librement l’espace. De plus, les perspectives des monuments latéraux forcent cette impression : elles amènent le regard à leur unique point de fuite qui se trouve dans la porte entr’ouverte du tempietto central, qui est, elle aussi, une invitation explicite.
        Ainsi, plutôt que d’être la représentation froide d’une ville idéale parce qu’inhabitée ou parce que les bâtiments sont tous d’un style uni, cette vue faussement objective, grâce à des "recettes" artistiques (utilisation d’une dominante de couleurs chaudes, représentation de matériaux riches), mathématiques (perspective, symétrie, équilibre des masses), voire même psychologique (le tempietto rond est plus accueillant que les autres bâtiments rectilignes), crée le puissant désir pour le spectateur de l’investir.


[1]Le tableau a tout d’abord été attribué à Piero della Francesca puis à Luciano Laurana avant que ne soit suggéré le nom de Francesco di Giorgio Martini.
[2]Selon ce plan, Le Corbusier envisageait de faire table rase de l’ancienne ville de Paris pour la reconstruire avec de hautes tours. Il fut présenté à l’exposition des arts appliqués de Paris en 1925.

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